ooooo  Francis Scott FITZGERALD (1896-1940)

 

 Francis Scott Fitzgerald est né en 1896 à Saint-Paul (Minnesota). Très tôt, il s'enfièvre aux lectures de Walter Scott, d'Alexandre Dumas et d'Edgar Poe et par un processus, dont il dira plus tard ignorer les mécanismes, il se met à écrire. Son imagination lui dicte alors une somme d'écrits qui ne récolte qu'aimables refus de la part des éditeurs.
A 18 ans, il entre à la très chic université de Princeton, où il s'évertue à composer un personnage de dandy que ses condisciples perçoivent comme un excès de suffisance. Au bout d'un an, il quitte Princeton, puis y revient dix mois plus tard.
Persuadé que la guerre est avant tout une affaire d'héroïsme, il s'engage dans l'armée des Etats-Unis en espérant participer au conflit mondial, mais l'armistice de 1918 intervient avant qu'il n'ait eu le temps de franchir l'Atlantique, et c'est dans les bras de Zelda Sayre qu'il trouve consolation. Cette fille de magistrat a tout pour le séduire : elle est belle, intelligente et surtout terriblement excentrique. Ensemble, ils vont réinventer l'amour, bannir tout formalisme, tout préjugé pour mieux se convaincre qu'ils sont jumeaux, donc indissociables. Cet amour est avant tout un feu, et ils mettront leurs vies entières à l'attiser et à le consumer. Entre-Temps, Scott vient d'apprendre que son premier roman, L'égotiste romantique, est refusé par les éditeurs. Cet échec lui vaut immédiatement un ultimatum de la part de Zelda : elle ne l'épousera que s'il devient célèbre. Au comble du désespoir, Fitzgerald finit par trouver un éditeur qui rebaptise son manuscrit L'envers du paradis. Le succès est foudroyant. Des milliers de jeunes américains se reconnaissent aussitôt en lui et concrétisent par là même une trinité salutaire pour l'écrivain débutant : amour, gloire et argent. A l'aube des années folles, il n'en faut pas moins pour dominer le tumulte. Zelda et Scott vont s'y employer d'une manière explosive. Leur jeunesse sera supérieure à tout autre : pour cela, ils s'adonnent à de lointaines croisières, multiplient les raouts nocturnes, se couvrent de bijoux et de fourrures. Et toujours la course folle s'accélère. Scott écrit des nouvelles pour entretenir un train de vie démentiel. Leurs excentricités se multiplient dans un romantisme absolu qui finit par confondre la mince pellicule du réel.
En Zelda, Fitzgerald voit une égérie, une muse dont il fera l'héroïne de tous ses romans à venir. Fasciné par le charme naturel et désinvolte qu'elle irradie, il se servira de ce mystère comme d'un tableau à facettes multiples, dont lui-même se gardera bien de donner les clefs. Mais Zelda ne sera pas la seule à entrer dans la valse désenchantée de Scott, son entourage, ses amis, artistes de rencontre, écrivains et acteurs seront à leur tour "cannibalisés", mis en scène sous des feux ardents.
1925 est l'année de Gatsby le magnifique, merveilleux conte d'un amour incandescent où le héros, solitaire et magnétique, court après une promesse qui le submergera. 1925, c'est aussi l'année des fêtes fastueuses au Ritz et sur la Riviera, des rencontres sans cesse plus brillantes et dangereuses : Fitzgerald croise Hemingway, Anaïs Nin, Miller, Picasso, Man Ray, Stravinsky... Pour prouver son admiration à James Joyce, il se dit prêt à sauter par une fenêtre du quatrième étage. Déjà l'alcoolisme a fait ses ravages, et Fitzgerald commence à payer le prix de ses extravagances. Zelda déraisonne peu à peu, se laisse absorber par la petite flamme qui dévore la réalité. Elle se perd dans l'écheveau des apparences qu'elle et Scott ont tissé au milieu de la vie réelle.
1925 marque l'apogée de la carrière et de la vie de Scott Fitzgerald. C'est un midi torride et fatal, de ceux dont on redoute les ardeurs. A 30 ans, ils semble que sa vie soit déjà finie, consumée par une ardeur trop vivement attisée. Lui-même en est conscient. Il sait que derrière les lambris dorés, qu'au-delà des palais fabuleux, là ou se cache l'extase et l'amour, il n'y a que des apparences. "Tout est factice", dira-t-il à l'aube de la trentaine.
Dans une Amérique groggy par le Krak de Wall Street, les états d'âme de ses héros, à la fois trop riches et trop désinvoltes, n'intéressent plus personne. Devenu transparent aux yeux du monde, Fitzgerald erre dans un décor de fin de bal. Il continue cependant à écrire. Les ventes de Gatsby ont à peine dépassé les 25000 exemplaires en un an, et mû par une nécessité plus matérielle qu'artistique, il compose des nouvelles pour le Satursday Evening Post, puis entame le scénario de Tendre est la nuit, sa troisième œuvre maîtresse.
Contacté par United Artists, il signe un contrat de scénariste qui le contraint à abandonner son manuscrit.En 1929, de retour à Paris, déçu et meurtri par son expérience hollywoodienne, il reprend l'élaboration de Tendre est la nuit. C'est à cette époque qu'apparaît la première dépression nerveuse de Zelda. Hospitalisée en Suisse, elle va connaître une succession de guérisons et de rechutes qui obligent Scott à travailler par intermittence.
Miné par l'endettement, il boit de plus en plus, perd ses amis un à un et plonge consciemment dans un désarroi sans retour. La fuite du temps le hante en permanence. Il sait que chaque seconde, fût-elle merveilleusement incarnée, est endolorie par sa propre combustion. Loin de Proust, ce brillant alchimiste capable " d'éterniser" le présent, il se voit démuni, impuissant à endiguer le processus fatal des choses qui passent et se fanent.
En 1934, Tendre est la nuit sort après d'innombrables péripéties et autant de refontes. C'est une œuvre majeure dans laquelle, une nouvelle fois, Fitzgerald se met en scène, volontairement et dangereusement, pourrait-on dire, avec cette conviction intime que l'écrivain est avant tout un homme et qu'il doit fonctionner de l'intérieur, quitte à se phagocyter. Le livre reçoit néanmoins un accueil mitigé. La critique n'adhère que mollement à son propos, et le public semble se désintéresser de ses "psychanalyses romancées".
La pente fatale se dessine maintenant plus vivement. L'état de santé de Zelda connaît des hauts et des bas. Atteinte de schizophrénie, elle multiplie les caprices, rêve à des projets irréalisables ou bien se met à écrire, parfois elle trouve des mots superbes: "Quand je me suis réveillée ce matin, le soleil était posé sur ma table comme un cadeau d'anniversaire. Alors je l'ai ouvert, et tant de choses heureuses se sont mises à flotter dans l'eau..."
Les photos de 1940 montrent un Scott Fitzgerald épuisé, miné par l'alcoolisme. Il se voit comme un écrivain raté, se croit coupable d'avoir encouragé la folie de Zelda. De plus en plus souvent les doutes l'assaillent, creusant un peu plus le lit de l'autodestruction. A présent, ses nouvelles sont achetées pour un prix dérisoire, et lorsqu'il frappe piteusement aux portes d'Hollywood, on le renvoie sans ménagement.
Sa liaison avec Sheilah Graham marque une brève accalmie dans sa déchéance. La jeune femme essaye de modérer ses excés, et avec elle il se remet au travail. Parfois jusqu'à perdre le sommeil. Une sorte de boulimie d'écriture l'a saisi, telle une violence née en lui pour submerger au milieu de ses besoins matériels, de ses dettes et plus intimement pour se prouver qu'il n'est pas complètement fini.
C'est en lisant The Princeton Alumni Weekly qu'il mourra d'une crise cardiaque en 1940. Ses dernières annotations auront été, étrange perfidie, pour l'équipe de football de Princeton, celle-là même qui l'avait rejeté naguère. Exclu de cette élite sportive avant d'être banni de celle des riches, il aura fait de sa vie un résumé foudroyant, une combustion ardente des joies et des souffrances, mêlées, parfois confondues, mais toujours poignantes.
Exclu et seul, Scott Fitzgerald le sera au-delà de la mort. Enterré loin de ses parents, il ne rejoindra Zelda qu'en 1975, mais gageons que leurs âmes tourmentées s'étaient retrouvées bien avant cela, en des cieux où rien d'irrémédiable ne peut se produire, où la fête, l'éternelle fête se répand sur des jardins peuplés de rêves, à mi-chemin entre l'extase et le paradis.